Les missions jesuites, un point de vue proposé par Papy Jack

Pour ceux qui ne nous suivent pas via facebook :

"Modelé par neuf années de formation dans un collège des "pères" ,voici un demi-siècle, je ne résiste pas à l'envie d' apporter quelques commentaires à l'extraordinaire aventure de civilisation des indiens guaranis par les jésuites à l'endroit ou juste maintenant chemine leTin Can Truck. Empreinte indélébile d'une éducation jésuitique ? Je ne le crois pas.Mais qui oserait dire qu'elle n'implique ni préjugés, ni réactions, ni réflexes, ni admiration. On peut s'efforcer de dompter les uns ou de réguler les autres sans néanmoins y parvenir. Par ailleurs, même le mécréant peut-il résister à un certain type de fascination quand surgissent de cette tranche d'histoire ces jésuites que sont Ignace de Loyola, un François-Xavier, un Laynez,un Ricci ou un Montoya?
Deux films illustrent cette aventure témoignant chacun des regards adverses portés à posteriori par les historiens et ethnologues sur cette fabuleuse entreprise de civilisation. Le film Mission de Roland Joffé qu'a obligatoirement vu tout " fils de jésuites" épouse très étroitement le point de vue officiel des jésuites: noblesse du propos, beauté plastique, qui ne voit dans les accomplissements des guaranis au sein des réductions que les fruits d'une docilité admirative à l'égard de ces hommes en noir qu'ils voyaient se dévouer pour eux jusqu'à l'épuisement ,et parfois au martyr.Les jésuites de Torres et de Montoya se comportent en pionniers d'un humanisme défini par le respect de l'autre et s'ils ont finalement échoué c'est l'insupportable exemple qu'ils donnaient aux monarchies européennes d'une autre façon de traiter des cultures différentes quand la règle ou la culture de l'époque supposait le pillage , l'esclavage, l'enrichissment, bref la cupidité.
L'autre film " République Guarani" du Brésilien Silvio Back ( que les fils de Jès ne regardent pas) semble avoir été tourné pour dissiper les illusions et mirages véhiculés par le film de Joffé. Il dénonce ce qu'il appelle "l' occupation idéologique de l'indigène" ou la dépossession du sauvage par l'autre. Je cite " La réduction à une culture étrangère des Amérindiens du XVII ième siècle - ou d' aujourd'hui ou d'autres étrangers ailleurs- substituant une pensée rationnelle à la pensée mythique, et l'ordre de l'Etat à la relation libertaire, ne saurait être retenue pour un progrès qu'à partir d'une évaluation purement arbitraire des civilisations"
D'où une controverse entre historiens, ethnologues et surtout pro et cons jésuites qui depuis 3 siècles à l'occasion de cette aventure hors normes débattent sur les valeurs des civilisations, sur la supériorité éventuelle de l'une sur l'autre,sur les échanges possibles ou non,sur les solubilité des unes dans les autres,bref sur la validité du concept de la hiérarchie des cultures .
Que le Tin Can Truck au début de son périple traverse cette région , qui la première de notre histoire récente , fut le siège tragique non pas d'un débat théorique mais d'une expérience humaine relatif à ces questions ( qui bien plus tard se sont à nouveau posées dans toutes les aventures coloniales : exploiter les sauvages, les éduquer ou adopter leur valeurs) me paraît symbolique et annonciateur de ce qu'un tour du monde peut comporter de transformations personelles irréversibles.
Pour qui ( on ne sait jamais) voudrait approfondir ces questions:
Les jésuites ( Jean Lacouture) Tome 1 Les Conquérants Éd. Seuil Chap XIII Une théocratie baroque chez les Guaranis p 400-436
La vie quotidienne chez les jésuites et les Guaranis MaximeHaubert Paris,Hachette 1986 p 108" (rédigé par papy Jack... Nom d'emprunt)